Barbara Laborde venue en renfort parler du film...

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... de Jacques Becker sur Casque d'or

Au Club, quand Liesel et Elodie racontent...

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... Casque d'Or, les Apaches du Paris de la Belle Epoque.

Il reste donc tout l'été à Liesel et Elodie...

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... pour terminer leur roman. A suivre !

Bienvenue à la Bellevilloise avec Liesel Schiffer et Elodie Scée...

De février à juin 2010, Liesel Schiffer et Elodie Scée sont en résidence d'écriture à la Bellevilloise.

vendredi 2 avril 2010

Dans la peau d’un Bellevillois d’aujourd’hui, par Liesel

J’adore découvrir les nouveaux quartiers de Paris au fil de mes boulots. Ces six derniers mois, je les ai passés le long du canal Saint-Martin, ce coin si vivant du bord de la Seine dans la vieille capitale. Ça me fait un peu penser à Gand, la seule autre ville que je connaisse en Europe. J’ai un ami d’enfance, Adama, qui y travaille depuis cinq ans. Sur le canal, je fus d’abord dans un petit café-resto où je faisais un peu tout : le service en cas d’affluence, la plonge, le ménage après que Pablo, le patron, ait baissé le rideau de fer.
Plus tard, Selimou m’avait dégoté ce super plan dans ce restaurant à la mode. Tous les jeunes qui y vont dîner parlent d’un film célèbre qui y a été tourné il y a longtemps, par une super jolie actrice, paraît-il, avec un nom qui se termine en “i” et qui disait une phrase que tous répètent en rigolant : « Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?” Moi je ne trouve pas ça spécialement drôle. De toute façon je ne connais pas le cinéma français, ni le cinéma en général. A Dakar, je suis passé souvent devant le Cinéma central sans jamais y entrer. C’est encore Selimou donc, mon copain du foyer de la rue des Amandiers, un ami, un vrai, de ceux qui vous prêtent un billet de 20 euros les mois de dèche ou vous passe son portable pour un appel urgent au pays. Selimou, c’est un “bandit” comme disait sa mère; il parle à n’importe qui et tout le monde le trouve “charmant”, même les Françaises aux cheveux longs qui sentent si bon mais ont toujours l’air pressé. C’est lui aussi qui trouve toujours des plans pour aller en boîte sans que ça pose trop de problème – ce malin parvient chaque fois à persuader une fille à l’entrée de convaincre le vigile qu’elle est avec nous et ça marche ! – . C’est lui aussi qui déniche les bonnes associations pour suivre des cours de français. Donc, l’autre soir, après la prière, Selimou m’a dit de passer de sa part voir le cuistot de la Bellevilloise, un endroit particulier où on trouve à la fois un resto, des concerts, des bals, tout un tas d’évènements différents, et même, paraît-il, des femmes qui se déshabillent et qui font des numéros avec du feu. Encore plus extraordinaire que mon petit resto pour ceux qui disent “Atmosphère, atmosphère !” C’est pour ça que me voici à descendre à la station Gambetta. Je suis toutes les instructions de Selimou : je me dirige vers le théâtre de la Colline, c’est facile, c’est marqué sur une pancarte. Le théâtre de la Colline... Ce que j’aime bien, à Paris, surtout dans ce quartier du 20ème arrondissement, c’est qu’on marche sur du béton toute la journée avec les feux rouges à la place des étoiles pour éclairer la nuit mais les rues portent des noms de campagne : rue des Prairies, rue des Cascades, théâtre de la Colline.
Je monte la rue de la Bidassoa, à la pente un peu raide, j’évite la rue d’Annam à droite et continue directement. Sur la gauche, des jeunes attendent devant un grand bâtiment en briques rouges qui me rappelle mon lycée. Ils ont l’air un peu moroses avec leurs sacs en bandoulières et leurs i-pod aux oreilles. Moi, j’aimais bien l’école, mais mon père n’a pas voulu que je continue trop longtemps. Il fallait l’aider à nourrir toute la famille. Je suis l’aîné de cinq, tout de même. Sur le trottoir, s’alignent des petites maisons comme à la campagne, avec des courettes et de minces portails de fer. Ça me rappelle cet endroit où j’étais allé faire les vendanges à l’est de la France, l’année de mon arrivée ici. J’avais bien aimé sauf qu’il y avait des chiens partout qui ne laissaient personne entrer dans les maisons. Et en France, un chien, c’est presque comme un homme, tu n’y touches pas ! Il y a même des vieilles dames et aussi des moins vieilles qui leur parlent dans la rue comme à un enfant. Pareil pour les chats. C’est étonnant.
Une grande porte marron m’annonce la Bellevilloise avec des affiches dessus tel que me l’a décrit Selimou. Une fois le seuil franchi, je tombe sur une cour avec des palmiers en pots. J’aime bien, ça me rappelle l’Afrique. Deux types enroulés dans des tabliers s’activent à ranger les poubelles. Un troisième, jeune, les cheveux retenus en queue-de-cheval, m’interroge : “C’est à quel sujet ? Nous ouvrons à 11 heures seulement.” Je réponds que j’ai rendez-vous avec le chef cuistot pour un travail. La mine un peu blasée, il m’indique une petite porte à l’extérieur du bâtiment, plus loin avant un escalier qui monte dans ce qui me semble être le vide… Me voici dans une sorte de grand hangar entreposé de tables avec plein de prospectus, une autre porte indique les cuisines, je la pousse et descends quelques marches. Un grand gaillard blond m’accueille tout de suite d’un ton jovial avant même que j’ai ouvert la bouche : “C’est toi Mamadou Dansaka ? Je t’attendais. C’est pour la place de plongeur ? – Oui ! Bonjour monsieur ! – Salut et bienvenu chez nous. Alors, parlons tout de suite de ce qui fâche, rit-il en me regardant droit dans les yeux, tu es en règle pour les papiers, bien sûr ?” Toujours la même question, mais depuis le temps, je connais le moyen d’esquiver.

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