Barbara Laborde venue en renfort parler du film...

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... de Jacques Becker sur Casque d'or

Au Club, quand Liesel et Elodie racontent...

Au Club, quand Liesel et Elodie racontent...
... Casque d'Or, les Apaches du Paris de la Belle Epoque.

Il reste donc tout l'été à Liesel et Elodie...

Il reste donc tout l'été à Liesel et Elodie...
... pour terminer leur roman. A suivre !

Bienvenue à la Bellevilloise avec Liesel Schiffer et Elodie Scée...

De février à juin 2010, Liesel Schiffer et Elodie Scée sont en résidence d'écriture à la Bellevilloise.

mercredi 30 juin 2010

Les premières lignes du roman “les Bellevilloises”

Jeanne, Paris en 1902, par Liesel
“- Dix gros pains, huit bâtards, cinq miches et douze couronnes…” Jeanne ne se rend pas compte de l’allure bizarre que lui donne cet ânonnement. Sous son châle de laine entortillé sur sa tête, ses lèvres ainsi perpétuellement agitées, on dirait l’une de ces vieilles bigotes de Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant. Si le dimanche est leur jour de prédilection, il y en a toujours une ou deux, le reste de la semaine, assise face à un porte-bougies dégoulinant de cire planté devant une statue de saint, la tête couverte inclinée dans une perpétuelle adoration, les doigts entrecroisés sur une prière qu’on croit deviner de supplication. Jeanne entre parfois dans l’église, non qu’elle ait la foi, bien qu’elle tienne plus que tout à la petite croix d’or qui pend à son cou, l’unique souvenir de sa mère, mais dans des moments de grande fatigue ou de désespoir, c’est le seul endroit où l’orpheline trouve une forme de solitude calme. Des instants arrachés au quotidien pour tenter d’oublier, quelques minutes seulement, la dureté du monde. Sophie, son irrespectueuse benjamine, ne manque jamais de se moquer de ces incursions “dans la maison des curés”.
Ce n’est pourtant ni un chapelet ni un missel que la jeune fille tient entre ses mains ce matin, mais une besace de toile blanche de poussière de farine. “- Dix gros pains, huit bâtards, cinq miches et douze couronnes et il faut rapporter les moules des Kugelhopf demain après-midi et aussi demander les torchons à la blanchisserie. Dix gros pains, huit bâtards… ” Il fait si froid, au cœur de l’hiver parisien, que Jeanne a l’impression de sentir son cerveau gelé tels les pavés qu’elle arpente d’un pas moins décidé que d’habitude, de peur de glisser. Ce n’est pas le moment de mécontenter madame Miquel, la responsable du dépôt de pain de la rue de la Mare. La grosse femme, toujours plantée en vigie derrière son comptoir, au point qu’on croirait qu’elle n’a pas de jambes, songe Jeanne chaque fois qu’elle entre dans la petite échoppe assombrie par les carreaux passés au blanc d’Espagne, bougonne souvent pour cacher, finalement, une nature généreuse. C’est elle qui, spontanément, voyant les filles Lutz lui acheter du pain en quantité de plus en plus réduite, Jeanne extrayant ses piécettes d’un air soucieux au fond de son porte-monnaie, a suggéré à celle-ci de proposer ses services à la Bellevilloise. Jeanne connaît toutes les boutiques de cette coopérative du quartier; il y a la grande boulangerie de la rue Etienne-Dolet devant laquelle les sœurs aiment à respirer la chaude odeur qui se dégage par les soupiraux de l’entresol, l’épicerie de la rue Palikao, si tentante avec les piles de plaques de chocolat à l’étal et ses hauts bidons de lait lustrés comme dans une ferme modèle, et aussi celle de la rue Duris, tenue par un homme très gentil, le père Thomas, un ancien couvreur, réduit à jouer les marchands depuis qu’une mauvaise chute l’a laissé bancroche. Madame Miquel raconte qu’il fait partie des fondateurs de l’association, créée il y a près de vingt-cinq ans par des ouvriers des maisons Cornély et Barriquand, des gens “engagés” affirme la boulangère, dont certains auraient même connus Louise Michel. D’ailleurs, murmure-t-on dans le quartier, Da Costa en personne, celui qui écrit l’histoire de la Commune, a rendu visite au père Thomas dans son galetas de la rue de Ménilmontant.”
(A suivre...)

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